PMSY: « Monsieur le Ministre de l’éducation nationale, il y a beaucoup à dire sur les contenus d’enseignement ».

 PMSY: « Monsieur le Ministre de l’éducation nationale, il y a beaucoup à dire sur les contenus d’enseignement ».

Enfin un ministre qui ose parler de contenu éducatif, un ministre qui ose utiliser le terme « révolution » pour ce qui concerne les réformes qui doivent être apporter dans le secteur de l’éducation et qui ose, enfin, se référer à nos guides religieux pour donner l’illustration de personnes dont la finalité de l’action éducative est de façonner un type d’homme ancrée dans ses valeurs. J’utilise le verbe « oser » comme un leitmotiv, parce que oui, il nous faut de l’audace pour bâtir l’école sénégalaise que nous voulons.

Monsieur le Ministre Moustapha Mamba Guirassy, en 45 secondes seulement, vous avez réussi à dégager toute la politique éducative qu’il nous faut. Il n’est pas besoin d’être un historien pour comprendre que l’école, sous sa forme actuelle, n’est pas le produit du développement interne des sociétés africaines. Dans le cas du Sénégal, la création et le développement du réseau scolaire ont suivi la pénétration française. Fondamentalement, loin de réduire la distance qui sépare le dominateur du dominé, l’école a, le plus souvent, contribué à la rendre infranchissable en vue de maintenir l’ordre colonial.

Soulignons aussi qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la politique scolaire a été dominée par l’idéologie de l’assimilation. C’est de cette école que le Sénégal indépendant a hérité. Alors, comment construire, avec une école extravertie, une identité et un sentiment d’appartenance à la nation sénégalaise ? Voilà notre véritable problème.

Il faut reconnaître que l’école, telle qu’elle se présente aujourd’hui, n’est pas suffisamment sénégalaise. Aussi, ne permet-elle pas, à nos enfants d’atteindre l’excellence et d’être opérationnel très tôt dans le monde du travail. Enfin, elle ne favorise pas nos croyances, nos valeurs et nos traditions, à cause de la laïcité occidentale qui nous est imposée.

Voilà pourquoi je suis particulièrement séduit par le terme « révolution » que vous avez employé. Mais les conservateurs, on le sait, ont toujours peur des réformes, surtout quand elles touchent les contenus d’enseignement. Il vous faudra vous armer de courage, Monsieur le Ministre, et puis foncez ! Vous êtes sur la bonne voie.

Pour ne donner que l’exemple spécifique de l’enseignement du français et de la littérature, au Sénégal (contenu que je maîtrise peut-être le mieux), Monsieur le Ministre, le saviez-vous ?

D’abord, nos jeunes enfants étudient avec les mêmes œuvres au programme qu’utilisaient nos papas et mamans. Pourtant, la littérature est évolutive. Même si son enseignement doit s’adosser à des « classiques », il doit tout de même prendre en charge les œuvres contemporaines sénégalaises surtout, lorsque celles-ci sont d’une qualité reconnue, tant au niveau national qu’international.

Ensuite, le contenu d’enseignement de la littérature negro africaine est vieillotte, car elle s’appuie sur le modèle défini dans la thèse remarquable de Madior Diouf. Or, l’étude diachronique de ce dernier s’arrête à la fin des années 90 et ne prend pas en charge tout ce qui vient après. Par ailleurs, dans le contexte actuel où les peuples africains ont évolué, ce serait inusité de parler de littérature negro-africaine. Ce que nous proposons c’est de répartir et de formuler cet enseignement comme suit : 1) Enseigner la littérature sénégalaise (orale comme écrite). 2) Enseigner la littérature africaine. 3) Ouvrir une perspective sur la littérature étrangère.

Enfin, ce qui sans doute est le plus sidérant : saviez-vous qu’il n’existe pas de programme de français officiel dans le système-franco arabe (LA/SA) ? J’ai personnellement passé 8 ans dans ce système, avant d’être affecté ailleurs, mais quand nous y étions en service, c’est le programme que nous avions élaboré nous-mêmes, en s’inspirant des contenus d’évaluation au Bac et des besoins de l’élève après le lycée, qui a toujours servi de contenu d’enseignement.

Monsieur le Ministre, il y a beaucoup à dire sur les contenus d’enseignement. Vous avez eu raison donc de l’évoquer. Et je suis certains que ces mêmes remarques peuvent se faire aussi bien en philosophie, en histoire, qu’en mathématiques. Une assise générale qui implique tous les acteurs devrait être initiée, pour faire un diagnostique global de toutes les failles et travailler ensemble sur des contenus plus modernes, plus adaptés aux besoins de l’apprenant sénégalais, des contenus plus rationalisés et moins extravertis.

Après la publication de la liste des membres du gouvernement, je disais à un ami que de tous les ministres, vous êtes sans doute celui qui a plus de problèmes. Car cette question du contenu d’enseignement n’est qu’un point parmi les multiples urgences du secteur, dont chacune mériterait à elle seule tout un mandat : la question de la carrière de l’enseignant, la construction de salles de classes, la réduction de l’effectif des élèves, la lutte contre le décrochage scolaire, etc.

Alors, Monsieur le Ministre, je vous souhaite bonne chance dans la lourde tâche qui vous est confiée. Qu’Allah vous assiste et qu’Il bénisse le Sénégal. 🇸🇳

PMSY
Professeur de Lettres

Louga News

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